Ogoula Louis-Marie dit « Ogoul’Eviva »

Ogoula Louis-Marie dit « Ogoul’Eviva » « Eviva Z’Anomé » (1908-1974)

 

« La tempête qui éveille, réveille et libère la conscience des Hommes » En parcourant la littérature politico-sociale du Gabon, on ne trouve rien sur Ogoul’EVIVA. Pourtant, d’aucuns se souviennent peut-être encore de cette phrase au dense contenu symbolique et, avouons-le, difficile à décrypter qui l’a rendu célèbre dans tout Port-Gentil et certainement au-delà :« Une pièce tombée dans l’eau OGOUL’EVIVA ». Phrase qui a été reprise comme un leitmotiv rassembleur, un peu comme une « devise » par les enfants, les jeunes gens et les adultes de la « cité pétrolière », dans les moments les plus gais comme dans les plus difficiles vécus par la ville de Port-Gentil.

Mais se cristalliser uniquement autour de la « pièce tombée dans l’eau » serait se méprendre sur ce qui a fait la renommée de l’homme Eviva. Du reste qui était-il et qu’a-t-il fait ? OGOULA Louis-Marie, fils de Owongw’Ayilé y’Elemba du clan Avogo n’Aboulia et Marie Owanga Nkaviyo Y’Igwanga du clan Assomba n’Ayamba, naît le 1er juillet 1908 à Port-Gentil dans une famille nombreuse dont il est le seul garçon.

En 1923, il est envoyé à l’école urbaine de libreville par son oncle Onanga Emile « Mpolo ». Ses études terminées, il revient avec une malle pleine de livres de tout genre dont des encyclopédies. Ainsi, alors que certains membres de sa famille l’attendaient retourner au bercail riche d’argent, Louis revint riche de culture, de connaissances, et plein d’idées nouvelles sur la manière de vivre pleinement les valeurs de la mère patrie «liberté, égalité, fraternité » dans la colonie française du Gabon. « Ntchiré » Désir spontané, irrésistible, désintéressé de porter assistance, secours ; procurer protection immédiate, à autrui, car bafoué dans sa dignité ou ses droits, inquiété dans son intégrité physique, opprimé.

« Onomé wi Ntchiré
Onwanto wi Ntchiré »
C’est l’homme ou la femme qui possède la fibre, la sensibilité qui permet de « bondir = Go Tondomina» , réagir avec énergie et autorité face à une situation de détresse, d’injustice vécue par une tierce personne (inconnue) ou un groupe d’individus. Cette capacité peut se prolonger jusqu’à la fibre patriotique. Défenseur des faibles, opprimés et de la cause du peuple. L’homme Eviva tient sa renommée dans Port-Gentil car il était toujours prêt à donner de sa personne pour défendre ses concitoyens. Il finit par s’intéresser à la chose politique. C’est ainsi qu’il fonde dans les années 50 avec Richard Atendet : l’Union Populaire d’Action Sociale et Politique de l’Ogooué-Marime (l’U.P.A.S.P.O.M) dont l’objet était de défendre les intérêts sociaux, économiques et politiques des africains. Il en devient le secrétaire général.

En 1953, OGOUL’EVIVA, incarna le symbole de la défense de la dignité, des intérêts, des droits des populations gabonaises, notamment dans un conflit opposant gabonais et frères de l’ouest africain. Un contexte sensible
Il convient de signaler qu’à tort ou à raison, la population gabonaise nourrissait une série de griefs à l’endroit de leurs frères africains, communément appelés Popos/ Aofiens. Une atmosphère entretenue par des attitudes nocives de : mépris, arrogance, méfiance, suffisance, sentiment de supériorité finit par souffler sur les braises susceptibles de rompre l’équilibre du vivre-ensemble. Ces derniers auraient la préférence de l’administration coloniale en matière d’emploi, ils auraient aussi de meilleurs salaires. Les gabonais se sentaient discriminés par rapport aux autres travailleurs africains venus notamment de l’Afrique occidentale ; mettant ainsi les autochtones
au chômage. Ces derniers auraient souhaité qu’il y ait eu une certaine « préférence nationale ». Il faut reconnaître que le colonisateur avait pris le parti non de former sur place, les autochtones aux divers emplois administratifs ou même techniques. Il avait fait le choix d’importer des travailleurs venus non pas de l’AEF, mais plutôt de l’AOF déjà formés et surtout plus dociles. Le conflit naît à l’issue d’un match de football opposant, le dimanche 14 juin 1953, l’équipe des Popos, composée d’africains du Dahomey (actuel Bénin) et du Togo, à celle des autochtones Gabonais. Il s’en est suivie une bagarre générale. Celle-ci éclata aux quartiers du Grand-village et de la Mosquée (les deux grands quartiers de l’époque) et dura plusieurs jours. Pourtant, le sport est censé unir les peuples, autant cette rencontre de football ayant dégénéré fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Or, les Port-Gentillais en particulier et les Gabonais en général ont la réputation d’être un peuple hospitalier. Sans qu’on puisse les soupçonner, taxer de tout sentiment xénophobe. C’est ainsi que chaque fois que la ville de Port-Gentil est en ébullition parce qu’elle revendique un « droit », estime qu’une limite a été franchie, que sa dignité a été bafouée…. Spontanément, l’esprit, la pensée et le souvenir de l’Eviva s’invitent dans la mémoire des Port-Gentillais avec regret, car point d’autre « Eviva » ?

(Récit retracé par Oma, collaboration M. Yèno, Charly Mpaga, Ma Kombagozo).

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