AVARO Pierre Auguste  

De l’éveil syndical à l’engagement politique
L’homme

Pierre Auguste Avaro, fils de Caroline Ngwiwenga (Eléwanyè) et de Mbaniè Avaro est né le 15 Mars 1911 à Port-Gentil dans la province de l’Ogooué-Maritime (Gabon). Par sa mère, issue du clan Abulia, il descend de la grande dynastie des rois orungu dont Obango-Rogombé dit Ikinda.

Tous les enfants de la famille et au-delà, l’appelaient « Papa Tito ». En effet, il avait toujours un mot tendre, un regard affectueux, une bienveillance pour eux qui incitaient au dépassement de soi (l’excellence). A la question de savoir si ce surnom (Tito) avait un lien avec le Maréchal Tito de l’ancienne Yougoslavie, il répondait : non. Et, pour signifier, marquer le respect à leur aîné, ses jeunes frères et sœurs l’appelaient « Mè Wora » pour Aworè, nom donné au jumeau de sexe masculin arrivé en premier.

  • La mission catholique ou l’école publique

Pour son éducation, il devra faire comme pour d’autres jeunes Orungu avant lui, le voyage de Port-Gentil vers Libreville, la capitale où sont implantées les écoles. Aujourd’hui encore, il n’y a pas d’universités, de grandes écoles dans la province de l’Ogooué-Maritime, pourtant nourrice du Pays.
Ainsi, en octobre 1917, il rentre à l’école française, ce ne sera pas l’Ecole publique laïque (Ecole Urbaine) mais plutôt la Mission catholique Sainte-Marie de Libreville, dirigée par les frères de Saint Gabriel. C’est sa mère Caroline Ngwiwenga (Eléwanyè) qui supporte les frais de sa scolarité.
Après neuf années d’études studieuses, dont cinq au cycle primaire et quatre passées au secondaire, il obtient son Brevet d’études élémentaires et sort major de sa promotion en juin 1926.

  • Le goût des chiffres et l’esprit d’entreprise

Pierre Auguste Avaro est attiré par les entreprises privées, notamment par le secteur forestier mis en valeur dès les premières heures de la colonisation par l’occupant français. Il commence alors une brillante carrière au cours de laquelle, franchissant étape par étape, il atteint la fonction de Comptable confirmé.
Il gravite autour des exploitants forestiers français, ce qui lui permet de tisser un relationnel fiable pour la suite de sa carrière. Il s’engage dans l’industrie du bois : exploitation et transformation de l’Okoumé et d’autres essences.
Dans les années 50, il accompagne, le Père Hublin, les missionnaires participaient aussi à la vie économique de la colonie. Ensemble, ils sillonnent l’espace forestier gabonais réalisant plusieurs navettes dans les chantiers, effectuant des allers-retours sur Libreville ; installant de nouveaux chantiers très loin vers les Monts de Cristal. « Nous pensons toucher le District de Medouneu. (…) Achat de permis forestiers dans la rivière Maga, prospection de la rive gauche de l’Estuaire « Gabao » (…). Partout, il faut que je sois avec lui », écrit-il dans une lettre adressée à son cousin Benoît Ogoula Iquaqua, le 26 novembre 1958.

L’activité syndicale

  • Fervent défenseur de l’éducation

Les enfants sont notre lien à la vie et parfois les continuateurs de nos projets inachevés.
Pierre Auguste Avaro était profondément imprégné des valeurs éducationnelles orungu. Les enfants, l’avenir leur appartient. Mais ils doivent passer par le chemin de l’initiation à la connaissance.
Il s’est toujours intéressé aux problèmes de l’éducation et de la jeunesse. Il crée et organise l’Association nationale des parents d’élèves, d’étudiants. Il devient membre du conseil d’administration de la Fédération des Ecoles, Parents et Educateurs.
Par la suite, il sera : Président de L’Association des Parents d’Elèves et Etudiants du Gabon ; membre du conseil d’Administration de la Fédération International des Ecoles de parents et d’Educateurs.
Ainsi, dès l’accession à l’indépendance du Gabon en 1960, il est nommé Ministre de l’Education Nationale par le président Léon Mba. Pierre Auguste Avaro met en œuvre le développement de la scolarisation de la jeunesse, son taux dépassera 80% ; il favorise la formation professionnelle ainsi que l’accès aux études secondaires et supérieures des jeunes filles.

  • Défenseur des droits des « coupeurs d’Okoumé » (les travailleurs autochtones) et des exploitants forestiers gabonais

Pierre Auguste Avaro, homme de terrain, il parcourt la zone forestière, il est préoccupé par l’amélioration des conditions des travailleurs du bois.

Dans cet univers rude, qui absorbe votre énergie, on comprend pourquoi Pierre Auguste deviendra par la suite, président de l’Union Régionale des Syndicats C.F.T.C. de l’Ogooué-Maritime, puis président du Syndicat des Travailleurs d’Exploitation Forestiers et Agricole du Gabon.

Par ailleurs, ses compétences économiques et financières lui valurent d’être nommé fondé de
pouvoir, Administrateur, Président Directeur Général de sociétés, et de siéger au Conseil
Economique et Social de la République Gabonaise. Il occupa également le poste de Président
du Conseil d’administration de la Société Technique de la Forêt d’Okoumé.

En Décembre 1966, Pierre Auguste Avaro fut nommé, Secrétaire Générale du Comité National
Gabonais de L’Office des Bois de L’Afrique Equatoriale.

L’activité politique

Pierre Auguste Avaro était inévitablement doté de la substance, du fluide qui irrigue l’instinct et décuple l’énergie du chef charismatique (Ekowé).
C’était un homme de conviction, de rigueur et de principes, la rectitude orungu. Tout cela doublé d’une grande détermination, d’une force qu’il savait tirer aussi du jeu qu’il faisait sur son nom « Miè Avaro, miéré paro », littérallement : « Je suis Avaro, on ne me porte pas », allusion à la signification littérale de la négation du verbe orungu « para » qui signifie « porter » qui devient à la forme négative « avaro ».
Autrement dit : Il fait les choses de lui-même et par lui-même ; il compte d’abord sur ses propres forces avant de compter sur les autres.
Dynamique, meneur d’hommes, il savait écouter et parler aux hommes. Son expérience de syndicaliste, la maîtrise des chiffres et de l’environnement économique des forestiers vont faciliter son entrée en politique.

  • L’homme politique

Il participe au vent qui souffle sur le mouvement des idées, notamment sur la grande question du moment : l’autonomie du Gabon dans la communauté française ou l’option de l’indépendance ?
Ainsi, de Libreville, il donne des nouvelles de la vie politique à son cousin Benoît Ogoula Iquaqua resté à Port-Gentil : « La politique, elle bat son plein. Le Gabon est en marche. Une réunion projetée à Brazzaville ces jours-ci du Comité de coordination RDA a été reportée en janvier 1959. Nos leaders politiques locaux y ont été tout de même invités par le Haut-Commissaire pour une conférence de table ronde interterritoriale (…). Ici tout le monde est décidé pour l’option d’un Etat gabonais autonome ».
Il fut l’un des membres fondateurs du Bloc Démocratique Gabonaise (BDG). De 1960 à 1963, il sera le Secrétaire Générale Adjoint de son Parti. Ce sera l’occasion pour lui de mettre en exergue ses talents d’organisateur, d’homme de contacts et d’influence notamment auprès des forestiers.
Il a fait partie de la délégation gabonaise conduite par Léon Mba et Paul-Marie Gondjout, ayant pris part à la négociation de l’indépendance à Paris. Celle-ci était composée de treize membres dont dix gabonais. Le 15 juillet 1960, Il a donc participé à la signature des accords franco-gabonais sur le transfert de compétences.
Petite anecdote, au cours de ce voyage Ô combien important pour l’avenir du Pays : « dans sa chambre d’hôtel, une enveloppe remplie de billets faisait corps étonnamment avec l’environnement. Sauf que Pierre Auguste, était bien pétri des valeurs morales, la rectitude orungu, il la remettra au maître des lieux avant de prendre congé ».
« On peut comprendre aisément pourquoi son fils Joseph Ambourouè-Avaro n’hésita pas à son tour de refuser une enveloppe… ».
C’est ainsi que lorsqu’il fit valoir ses droits à la retraite, l’homme n’avait pas accumulé de richesse inconvenante. Car, il était là pour servir l’Etat et les Gabonais.
Il siègera à l’Assemblée Nationale du 21 Février 1961 au 25 Janvier 1964 ; successivement comme Vice-Président de la Commission des Finances et Vice-Président de la commission Economique, membre du comité de l’Office des Bois de l’Afrique Equatoriale (OBAE). Pierre Auguste Avaro a reçu de nombreuses décorations de différents Ordres en tant qu’Officier, Commandeur, Grand Officier, Grand-Croix, Grand Cordon…
Durant tout le magistère du président Léon Mba, il fut tour à tour ministre de : l’Education Nationale (du 9 novembre 1960 au 21 février1961) ; Travail (du 21 février 1961 au 31 décembre 1962) ; Eaux et Forêts (du 1er janvier 1963 au 4 juin 1963) ; Affaires Etrangères (du 25 avril 1964 au 20 mars 1965) ; Eaux et Forêts (du 20 mars au 20 octobre 1965) ; Défense Nationale Affaires Sociales, Jeunesse et Sport (du 25 décembre au 1963 au 24 avril 1964); Affaires Etrangères (du 25 avril 1964 au 20 mars 1965) ; Fonction publique et de la coopération technique (du 20 octobre 1965 au 1er décembre 1966).
Le 30 janvier 1966, Pierre Auguste Avaro, ministre de la Fonction publique et de la coopération technique se rend à Yaoundé (Cameroun), rencontrer et discuter avec les membres des Etats de l’UDEAC (Union Douanière des Etats de l’Afrique Centrale), mission confiée par le président Léon Mba.
Une sérieuse longévité en tant que ministre de la République, exerçant des responsabilités régaliennes (défense, affaires étrangères). On l’aura compris, l’homme avait son importance et du poids dans ce régime.
À la mort du président Léon Mba en novembre 1967, Pierre Auguste Avaro n’hésitera pas à se retirer de la vie politique. Il avait pourtant été sollicité par le nouveau Président de la république, Albert Bernard Bongo.
Mais, pour lui, le temps était venu de passer le relais à la nouvelle génération de politiciens qui trépignaient d’impatience à l’entrée du Temple du pouvoir.
Le 20 Février 1968, il fait valoir ses droits à la retraite et regagne sa ville natale « Port-Gentil » dans laquelle, la première rue baptisée du nom d’un autochtone fut celle de : Pierre Auguste Avaro.
Or, comment susciter l’intérêt, la curiosité l’empathie des Port-Gentillais, de ses concitoyens si aucune information sur la vie de leur compatriote ne figure sur cette plaque ? En l’occurrence, ni périodisation ni indication de sa qualité d’homme politique.

Un grand sens de la famille et de l’entraide

Il fait partie de cette génération d’Orungu, de Gabonais pour qui les rapports sociaux étaient encore fondés sur l’affection réciproque désintéressée, la fraternité, l’unité, la solidarité, la concorde, la justice, le respect de la parole donnée, mettant toujours l’accent sur « l’être » et non sur « l’avoir » comme aujourd’hui. Et, les mœurs n’étaient pas encore devenues si décadentes.
L’attachement à la famille avait du sens, la matérialité et le vécu des valeurs partagées transparaissent à la lecture de l’une de ses dernières lettres à son cousin. De la Clinique du Val d’Or de St Cloud (France), où il était hospitalisé, Pierre Auguste Avaro écrit le 28 juillet 1979 :
« Mon bien cher Nd’Ogoula [Benoît Ogoul’Iquaqua],
Loin des yeux mais près du cœur, qui savait que les années 77-78-79 seraient les plus douloureuses et malheureuses pour nous (…).
Il paraît que Nd’Ogombé [Joseph Rogombé] est arrivé à Port-Gentil, donne-moi des nouvelles de tout le monde et surtout de ta santé, que Charles Opapé m’écrive. Comment va Ngwè Ntchougougnè [Paul]. Je vous embrasse tous et ne cesse de penser à vous, comme vous pensez à moi ».
Il évoque implicitement la disparition successive de sa mère en 1977, de son fils Joseph Ambourouè-Avaro avec d’autres membres de la famille dans un tragique accident d’avion qu’il pilotait, survenu le 17 novembre 1978.
Bien qu’étant malade, il ne manque pas de s’enquérir de l’état de santé de ses cousins restés au Gabon.
Deux semaines après cette lettre, empreinte de tristesse et de grande affection envers ses cousins de Port-Gentil, et comme si c’était un Ôrevoir, Pierre Auguste Avaro s’en est allé le 17 août 1979, jour anniversaire de la naissance de son fils Joseph Ambourouè-Avaro.
Le père et le fils s’étaient-ils fixés rendez-vous ? Etait-ce une pure coïncidence au gré du hasard ? Anne Avaro, sa petite fille pense que malade et loin de sa famille, son grand-père attristé et très affligé par ses décès successifs, n’avait plus le moral pour lutter, la force pour résister, tenir bon, il a lâché prise, précisément ce jour-là. Le jour anniversaire de son fils aîné en qui il avait placé tant d’espoir.
Elle a l’intime conviction que ce jour ne fut pas un jour anodin. Peut-être que ce « temps de rencontre » entre le père et le fils a un sens qui nous échappe, nous dépasse.
Selon Gaston Nwendogo, « C’est lui, avait-il confié, qui aurait suggéré à Léon Mba (Premier Président du Gabon) auquel il était lié au sein du Bloc Démocratique Gabonais (BDG) et dont il fut Ministre (1960-1967), de faire de la date du 17 août, la date commémorative de l’indépendance du Gabon ». Car c’était la date de naissance de son fils, Joseph Ambourouè- Avaro.
Pierre Auguste Avaro, a su servir sa famille, ses compatriotes, il était respectueux du bien public et avait une haute idée de son pays, le Gabon.

Collaboration Anne Avaro « Ngwiwenga » (petite-fille)
Jean Paul Avaro (fils) & Oma.

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