Un descendant de OIB au cœur des recherches du CNRS/ IMAF
Figure marquante de l’histoire gabonaise, Ogoula Iquaqua Benoit (OIB) continue d’inspirer chercheurs et passionnés. En 1932, il fut injustement accusé de folie pour avoir porté la voix de son peuple et incarné la voie du changement, en proposant : une nouvelle ère dans les rapports à établir avec l’occupant. Il veut obtenir la révision des « pactes » afin que ce ne soit plus l’échange des biens matériels mais l’accord des esprits qui fonde les « traités ». Ce qui représente une rupture inacceptable pour l’ancienne puissance coloniale.
Aujourd’hui, sa vision du monde et ses idées politiques refont surface grâce aux travaux menés par une équipe du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et de l’Institut des Mondes Africains (IMAF).
Entre 2023 et 2024, son fils, Auguste Ogoula, a eu l’opportunité de rencontrer une équipe de chercheurs pluridisciplinaires avec laquelle, il a non seulement su partager certaines archives inédites en sa possession et des témoignages précieux ; mais également organiser une rencontre avec des universitaires gabonais à Libreville.
De cette collaboration est né un enrichissement informationnel mutuel sur l’Affaire OIB, dont des projets tels que l’exposition virtuelle intitulée : L’Autre aliéné. Histoire juridique de la folie en Afrique française, édité en ligne par l’équipe de Criminocorpus ; la participation au colloque de clôture de l’ANR AMIAF (sept.2024) ; et par ailleurs des travaux en cours, notamment l’ouvrage collectif intitulé Fou et indigène. L’altérité au prisme du droit colonial à paraître en 2025, dirigé par Silvia Falconieri, historienne et spécialiste de l’histoire juridique de l’Afrique coloniale.
Retour sur une rencontre improbable où mémoire familiale et science historique se rejoignent, portée par la quête de vérité et la transmission de l’héritage historique.
Qui était Ogoula Iquaqua Benoît ?

Né au cœur du pays Orungu, Ogoula Iquaqua Benoit a incarné, dès les années 1930, un espoir de renouveau pour son peuple. Plébiscité comme Roi des Orungu en 1932, il n’aura jamais eu l’occasion de régner : craignant ses aspirations de réformes et d’émancipation, l’administration coloniale française l’accusa de folie et le déporta en Oubangui-Chari.
Visionnaire, OIB dans son « Acte du 1er juillet 1932 », posait déjà les bases d’une « Nouvelle Aurore » pour son pays, fondée sur la vérité, vertu, justice et le progrès social, affirmant que « les terres ne valent que par les hommes qui les habitent ».
Son œuvre majeure, « Owanga ou l’Appel de l’Aurore« , reste un témoignage vibrant de son combat pour l’émancipation africaine.
Longtemps ignorée, sa mémoire est aujourd’hui ravivée par le travail conjoint de chercheurs et de ses descendants.
La naissance d’un travail collaboratif


En 2023, à la lecture d’un article de Silvia Falconieri, intitulé Pathologies de l’« âme indigène » Les savoirs juridico-administratif et médical sur la folie en Afrique française, Auguste Ogoula prit l’initiative de contacter l’auteure. Un échange d’une grande richesse s’amorça alors : informations familiales, archives privées, témoignages de première main, et documents administratifs.
Lors de sa visite à la Maison des Chercheurs du CNRS/IMAF, Auguste Ogoula a offert une perspective unique sur la vie personnelle et les idéaux de son père.
Les ressources partagées ont permis de revisiter l’histoire coloniale du Gabon sous un angle plus humain et nuancé, redonnant à OIB la place qu’il mérite dans l’histoire nationale de son pays.
L’événement "L’Autre Aliéné" : une plongée dans l’histoire juridique de la folie en Afrique


Dirigé par Silvia Falconieri, spécialiste du droit colonial africain, « L’Autre Aliéné » a exploré comment les autorités coloniales utilisaient les accusations de folie pour étouffer les résistances.
La trajectoire d’Ogoula Iquaqua Benoit illustre parfaitement ce mécanisme : un patriote réduit au silence sous couvert médical.
Grâce aux archives et témoignages d’Auguste Ogoula, les chercheurs ont pu enrichir leurs analyses en intégrant une dimension intime et spirituelle rarement accessible par les seules sources officielles.
Cet événement a ainsi permis de repenser l’histoire juridique de l’Afrique à travers des récits authentiques et vivants.
Pourquoi la collaboration entre chercheurs et descendants est essentielle ?

L’expérience de la rencontre entre Auguste Ogoula et les chercheurs du CNRS/ IMAF, un pôle de recherche d’excellence dédié aux mondes africains, illustre parfaitement pourquoi les descendants jouent un rôle central dans la recherche historique.
Les archives privées, les témoignages directs, la transmission familiale sont des trésors que seule la mémoire des proches peut préserver.
Dans l’affaire OIB, ces apports ont permis de rectifier des lectures biaisées, d’affiner les interprétations historiques et d’offrir un regard plus fidèle sur une figure majeure du combat contre la domination coloniale française au Gabon.
En associant descendants et chercheurs, l’histoire gagne en humanité, en précision et en profondeur.
À travers cet échange, la transmission de mémoire historique devient un acte de justice et de reconnaissance, non seulement pour OIB, mais aussi pour l’histoire du Gabon et l’Afrique.
Il convient cependant, de rappeler que le parcours singulier de OIB avait déjà suscité l’intérêt d’universitaires français tels que Georges Balandier et Florence Bernault, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles lectures du passé africain.
Conclusion
Cette rencontre improbable entre mémoire familiale et recherche scientifique marque une avancée majeure dans la réhabilitation de OIB. Grâce à l’engagement passionné, la détermination de son fils et aux regards croisés, compétences pluridisciplinaires des chercheurs du CNRS/IMAF : l’histoire d’un patriote injustement condamné, reprend vie, enrichie et éclairée.
A travers ce travail collaboratif, c’est une page entière du Gabon et de l’Afrique postcoloniale qui se redessine, plus juste, plus humaine.
Que cette quête de vérité inspire d’autres initiatives, afin que « L’Appel de l’Aurore » lancé par OIB en 1932, ne meure jamais.